Du haut de la tour

Du haut de la tour

Publication Knack Weekend - Texte Piet Swimberghe, photos Jan Verlinde

Du haut de la tour

Publication Knack Weekend - Texte Piet Swimberghe, photos Jan Verlinde

Habiter un ancien immeuble de bureaux. Ça ne sonne pas très bien, jusqu’à ce que vous soyez entré dans ce flat situé sur les Antwerpse Leien, qui baigne dans une classe à l’ancienne. Jadis conçu par Léon Stynen et aujourd’hui transformé en un ensemble esthétique et fusionnel, aussi chaleureux qu’épuré.

Si vous circulez en vélo sur les Antwerpse Leien en prenant le temps de regarder les façades, vous verrez de nombreuses perles. Entre autres le bâtiment dans lequel nous avons découvert ce flat, au coin de la Frankrijklei et de la rue Van Cuyck, qui a été construit à partir des plans des architectes Léon Stynen et Paul De Meyer. « Cet immeuble de bureaux hypermoderne avait été conçu pour l’Assurance Liégeoise », nous explique l’occupant Paul Lambers, qui habite ici depuis peu avec son épouse Dominique Penninckx. Leur intérêt pour l’architecture a certainement influencé leur choix pour cet immeuble, qui a été rénové au cours de ces dernières années.
Stynen a eu une carrière particulièrement longue et est devenu presque centenaire. Il était déjà actif avant la guerre et son style était alors surtout inspiré par le Bauhaus.
Mais le fait qu’il ait aussi admiré Le Corbusier se remarque surtout dans ses projets d’après-guerre, qu’il réalisa avec l’architecte De Meyer, comme le building BP, aujourd’hui occupé par la banque Delen. 
En observant cet immeuble de bureaux, nous remarquons l’admiration des concepteurs pour l’architecture brutaliste raffinée que Le Corbusier mettait en œuvre dans les années cinquante. Le bâtiment a en effet quelque chose en commun avec l’Unité d’Habitation de Marseille ou les projets Chandigarh. Ici aussi, vous constatez que toute la construction s’accroche au quadrillage de la façade, qui ne sert pas seulement de protection solaire, mais constitue aussi une disposition géométrique palpable dans le flat.

Pour les occupants, Dominique Penninckx et Paul Lambers, le « barnwood » sur les murs et le teck ancien du sol sont l’évocation d’une certaine ruralité reposante au cœur même de la ville.

L’immeuble de bureaux du début des années soixante, conçu par Stynen et Demeyer, est clairement d’inspiration américaine.

La beauté du temps

Paul et Dominique ont habité des années dans les bois de Bonheiden. 
« En fait, jusqu’à ce que la maison ait besoin d’être rénovée, que le jardin nous paraisse trop grand et que la ville nous attire de plus en plus. Parce que vivre ici, c’est formidable ! Plus besoin de voiture, et notre vie culturelle est devenue mille fois plus riche, avec tout à proximité, les cinémas comme le Singel », nous confie Paul Lambers.
 Paul et Dominique ont acheté le flat en l’état et ils l’ont fait aménager par l’architecte d’intérieur Jan Smits, de Pas-Partoe (Heindonk), qui s’est aussitôt inspiré de la structure de l’architecture de Stynen et De Meyer. 
« Quand nous sommes entrés ici pour la première fois, il n’y avait rien, ce qui rendait la construction en béton de la façade extérieure particulièrement visible. Nous en avons repris le rythme pour la répartition intérieure du flat. En raison de la sensation d’espace, j’ai fait le choix de créer deux axes : un pour le couloir et un le long des fenêtres, de manière à renforcer la vision en profondeur », nous dit Jan Smits. Les occupants voulaient un intérieur avec une structure claire, disons lisible, qui fait entrer dans l’habitation l’ouverture sur les Leien tout en veillant à offrir une sensation de sécurité. 
« C’est pourquoi nous avons limité la répartition et évité de travailler avec des espaces fermés », nous explique Jan Smits. « Mais l’espace ne pouvait pas non plus être un ensemble froid. Il avait été jadis un bureau, mais devait devenir un appartement chaleureux. C’est pourquoi nous avons décidé d’utiliser beaucoup de bois. Mais en plus, pas n’importe quel bois !
Pour tous les sols, nous avons utilisé du teck venant d’un immeuble en démolition, qui présentait donc un magnifique vécu patiné ».
 Ce matériau particulièrement résistant a été employé partout, de la cuisine à la chambre à coucher.

Dans le coin à manger, vous profitez de la vue sur les Leien. La table très décorative est de Charles Rennie Mackintosh et les chaises de Saarinen.

Dans l’espace de vie, la cuisine bulthaup est centrale.

Jan Smits a conçu une enfilade faite de la chambre à coucher et de la salle de bains vers le salon, pour pouvoir profiter au maximum de la lumière et créer de l’espace.

Ni Jan ni les occupants n’aiment les sols à l’apparence parfaite et unie et trouvent très beau le contraste entre des éléments rugueux et lisses. Cela se remarque aussi dans la cuisine bulthaup faite sur mesure, avec une belle tablette de marbre et terminée par du chêne traité avec une lasure noire, en combinaison avec tout un mur en carrelage marocain Zelliges. Ici aussi, il s’agit d’un dialogue entre matériaux artisanaux et naturels avec des éléments géométriques. « Ici, ce sont surtout les grandes lignes qui sont plus géométriques ou plus lisses, mais pas les détails », nous explique Jan.
« C’est pourquoi les occupants voulaient aussi conserver par exemple le plafond en béton, qui s’harmonise parfaitement avec la structure de la façade ».
 Ce plafond en béton a été légèrement restauré parce qu’il était endommagé et dégageait pas mal de poussière, mais cela a été si bien fait qu’on ne le remarque pas.

Pour les cloisons intermédiaires, du très beau bois a été utilisé. « Du bois patiné, dénommé barnwood », nous explique Paul Lambers. C’est du bois de pin oxydé qui provient de granges démolies, est nettoyé, brossé et traité contre les vers du bois ; il devient ainsi un très beau matériau qui donne à votre intérieur une touche brute.

Tant les occupants que Jan Smits pensent qu’il est important qu’ainsi, on ressente qu’il ne s’agit pas d’un nouveau bâtiment, mais d’un lieu avec une âme, ce que vous remarquez d’ailleurs déjà en entrant dans le bâtiment, avec son hall d’entrée des sixties qui est resté intact.

Biographie de Léon Stynen

Léon Stynen (1899-1990) était un des ténors de l’architecture moderne. Vous pourriez l’appeler le Le Corbusier anversois.

Il appartenait au style architectural fonctionnel d’avant-garde qui a précédé la guerre.


Il a conçu des habitations, des bureaux, et même des casinos, comme celui de Knokke, Blankenberge et Ostende.


Il était déjà actif avant la guerre. Et ensuite, il a connu une carrière particulière, avec l’architecte Paul De Meyer.


Ses principales icônes de l’après-guerre sont le Singel (commencé en ’58), la tour BP (’60 – ’63) et l’immeuble de l’Assurance Liégeoise (’61 – ’62).

 

 

Publication Weekend Knack - 15/11/2017
Texte Piet Swimberghe, photos Jan Verlinde

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